Jean-Louis Lesbros

Du Croquet d'Bos au Clocher du Bois, remotivations sur le cadastre d'Angicourt et d'alentour, du Picard au Français

Le lieu-dit Le Clocher du Bois est un joli lieu de promenade au-dessus d’Angicourt, dans la vallée du Rhony, petit affluent de l’Oise. De ce point de vue, on aperçoit le clocher du village, en pierre du XIIe et XIIIe, mais au Clocher du Bois, il n’y a pas de trace de construction. On se demande ce que viendrait faire un clocher dans un bois pentu.

Le lieu-dit Le Clocher du Bois est un joli lieu de promenade au-dessus d’Angicourt, dans la vallée du Rhony, petit affluent de l’Oise. De ce point de vue, on aperçoit le clocher du village, en pierre du XIIe et XIIIe, mais au Clocher du Bois, il n’y a pas de trace de construction. On se demande ce que viendrait faire un clocher dans un bois pentu.

_ Le Clocher du Bois, terme absent de DT, mais présent sur la Carte IGN (2312 ET Clermont–Creil) ld. d’Angicourt. Il apparaît modifié sur une autre carte IGN : Le Clocher de Bos (carte IGN Forêts de Chantilly 2412 OT). _ (TO n° 74). (picard bos, /bô/ « bois ». Il apparaît encore sous une autre forme chez Lucien charton, ancien maire de Liancourt (1963, p. 137) :

Le Cloqué de Bos_ pic. cloqué « clocher ». Un bâtiment religieux aurait précédé l’église actuelle. Il était situé au sud-ouest du village, lieu-dit Le Cloqué de Bos. C’était sans doute une première église construite en bois, comme la plupart de celles édifiées jusqu’au Xe s., et qui aurait été détruite par un incendie (comme à Cambronne, Soutraine et peut-être Liancourt. Note (13) On rapporte que vers 1890, un cultivateur en creusant un trou pour planter un arbre, aurait découvert un gisement de cendre permettant de préciser le lieu où se trouvaient des constructions qu’un incendie a détruites.

Discussion :

Quelle est la valeur du syntagme de Bos « de ou du bois » : matière ou localisation ? Notre hypothèse est que le clocher n’est pas un édifice religieux qui aurait brûlé _ il est bien rare qu’une église soit désignée par son clocher _ mais représente la transcription fautive du terme picard croquet, avec un -r- apical, « roulé » et entendu comme un -l- par le transcripteur du cadastre, étranger au dialecte local, distant seulement de 60 km au nord de Paris. É. Lambert (1963, TO p. 119) mentionne, parmi les noms à sens topographique, le dialectal picard croc, var. crocq « ressaut de terrain ». Ce mot a pour diminutif croquet. Dans l’espace picard fait de plateaux bordés de pentes raides, ce terme désigne aussi bien une simple butte qu’un plateau ou que sa bordure en pente. Selon J-M PLONÉIS (1978 p. 89) _ à la suite du professeur François Falc’hun_ le terme viendrait du celtique *KnuKo. Le groupe Kn- difficile à prononcer, aurait eu deux évolutions phonétiques possibles _ 1) k-e-nek (voyelle épenthétique intercalée qui a donné par exemple le Mont C-a-nigou) ou bien _ 2) Kn- > Kr- Crocq, (variante cruc).

Le Croquet d’Bos serait donc « la pente raide du bois » ce qu’une visite du lieu confirme : 40 m de dénivelé sur un court espace _ un petit coin de « montagne » en Picardie. Un examen des cartes révèle l’existence d’autres lieux-dits désignés par le terme Clocher situés en milieu de plateau : à Cauffry, Margny-lès-Compiègne et Sommereux dans l’Oise, Grivesnes dans la Somme (Carte IGN 2309 E Moreuil). Des raidillons ont une toponymie avoisinante, dans le domaine picard : Le Bois du Croquet (Mailly-Raineval 80, non loin de Grivesne), et en version normande Le Croquet du Bosc (Gournay-en-Bray 76, (Carte IGN 2111 OT Forêt de Lyons).

_ Hadancourt-le-Haut-Clocher (DT 1729 p. 262) Hadencuria v. 1160, Hadencurt 1188 _ Déterminatif : -le-Haut-Clocher d’une caractéristique de l’église de ce lieu ; ce clocher n’est pas très élevé (il mesure 33 m) mais il est visible de fort loin car le village est assis sur les pentes est de la Molière-de-Serans.1

Voici un possible Haut Croquet : La Molière de Serans (Alt. 210 m) un des huit points géodésiques du département de l’Oise. Ce croquet a sans doute perdu son nom à la suite d’une exploitation de pierre meulière, transférant son nom picard travesti par la traduction française, une fois de plus à un clocher, identifié dans ce cas à celui du village.

À la faveur de l’indistinction des articles définis masculin et féminin, en picard, la confusion croquet/clocher a aussi contaminé les termes crocq et le picard cloque fr. cloche. Ainsi :

_ Le Fond de la Cloche à Bonneuil-les-Eaux (carte IGN 2310 O Breteuil), traduction française d’_*eul fond d’eul crocq _ « La Dépression du Crocq ».

_ Le Son de la Cloche _ ld de Carlepont cité par É. Lambert comme terme énigmatique (TO p. 437) mais absent de la carte IGN. En picard (reconstitué) : _ * eul Som d’eul Clocq _ Il faut probablement entendre (si l’on peut dire) Som : < lat. summum « point le plus haut, sommet2  (TO n° 272 p. 128) et (Grandsaignes d’Hauterive 1947 p. 543) _ « Le Sommet du Crocq », « Le Sommet de la Colline ».

  • 1

    Le lieu-dit Le Clocher du Bois est un joli lieu de promenade au-dessus d’Angicourt, dans la vallée du Rhony, petit affluent de l’Oise. De ce point de vue, on aperçoit le clocher du village, en pierre du XIIe et XIIIe, mais au Clocher du Bois, il n’y a pas de trace de construction. On se demande ce que viendrait faire un clocher dans un bois pentu.

  • 2

    Le som, appliqué à un cours d’eau signifie sa « source » (TO n° 272 p. 128) mot également répandu en Champagne sous la forme somme : Somme-Bionne, Somme-Suippe, Somme-Vesles, Somme Yèvre … (Grandsaigne d’Hauterive 1947 p. 543) som « sommet, bout ».

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